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Conseil constitutionnel, décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006

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Conseil constitutionnel, décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006
Conseil constitutionnel


Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006




LOI POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PARTICIPATION ET DE L'ACTIONNARIAT SALARIÉ ET PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL 

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, le 18 décembre 2006, par M. Jean-Marc Ayrault, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Lilian Zanchi, Mme Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François Hollande, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jean-Yves Le Déaut, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, M. Patrick Lemasle, Mme Annick Lepetit, M. Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Pérez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Mmes Chantal Robin-Rodrigo et Christiane Taubira, députés ;

Le Conseil constitutionnel,

  • Vu la Constitution ;
  • Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • Vu le code du travail ;
  • Vu la décision du Conseil d'Etat n° 280936 du 18 octobre 2006 ;
  • Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 21 décembre 2006 ;
  • Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social ; qu'ils contestent en particulier la conformité à la Constitution de ses articles 29, 48, 51, 54 et 60 ;

Sur l'article 29 

2. Considérant que l'article 29 de la loi déférée insère dans le code du travail un article L. 432-4-3 ; que, pour les entreprises d'au moins trois cents salariés, ce nouvel article offre la possibilité à un accord collectif d'adapter les règles relatives à l'information du comité d'entreprise et d'organiser « l'échange de vues » auquel cette information doit donner lieu ; qu'il dispose que cet accord peut substituer à l'ensemble des documents qu'il énumère un rapport portant obligatoirement sur : « 1° L'activité et la situation financière de l'entreprise ; 2° L'évolution de l'emploi, des qualifications, de la formation et des salaires ; le bilan du travail à temps partiel dans l'entreprise ; 3° La situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes ; 4° Les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés dans l'entreprise » ; qu'il prévoit que l'accord doit fixer la périodicité de ce rapport, qui est au moins annuelle ; qu'il précise que l'accord définit également les conditions dans lesquelles les salariés sont directement informés sur la situation de l'entreprise, sa stratégie, la gestion prévisionnelle des emplois et les accords de méthode ;

3. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions amoindrissent les compétences dévolues au comité d'entreprise et méconnaissent, dès lors, le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; qu'ils estiment également qu'en déléguant aux partenaires sociaux l'établissement des garanties légales qui doivent être accordées aux institutions représentatives des salariés, le législateur n'a pas épuisé sa compétence ; qu'ils reprochent enfin à ce dernier d'avoir rompu l'égalité entre les comités d'entreprise, selon que l'entreprise emploie plus ou moins de trois cents salariés ;

4. Considérant, en premier lieu, que, si le Préambule de 1946 dispose, en son huitième alinéa, que : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; qu'ainsi, c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en oeuvre ;

5. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte ; que le législateur peut en particulier laisser les partenaires sociaux déterminer, dans le cadre qu'il a défini, l'articulation entre les différentes conventions ou accords collectifs qu'ils concluent au niveau interprofessionnel, des branches professionnelles et des entreprises ; que, toutefois, lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu'il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d'ordre public, il doit définir de façon précise l'objet et les conditions de cette dérogation ;

6. Considérant, d'une part, que l'article 29 dispose que les obligations qui incombent au chef d'entreprise en matière de consultation du comité d'entreprise sont maintenues ; que la transmission directe d'informations aux salariés ne remet pas en cause l'exercice, par cette institution, des missions qui lui sont dévolues par la loi ; qu'ainsi, le grief tiré de ce que l'article 29 amoindrirait le rôle du comité d'entreprise manque en fait ;

7. Considérant, d'autre part, que le législateur a prévu une simple faculté de déroger, par accord collectif, aux règles fixées en matière de communication d'informations au comité d'entreprise par d'autres dispositions du code du travail ; qu'il a déterminé la périodicité et le contenu obligatoires du rapport qui, dans une telle hypothèse, se substitue à ces documents, ainsi que les modalités de sa communication aux membres du comité d'entreprise ; qu'il a encadré de façon précise la possibilité de conclure un accord collectif dérogatoire et n'a pas privé les représentants des salariés des informations nécessaires pour que soit assurée la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l'entreprise ; qu'il n'a dès lors méconnu ni l'étendue de sa compétence, ni le huitième alinéa du Préambule de 1946 ;

8. Considérant, en second lieu, que les modalités d'information pouvant être ainsi fixées par l'accord collectif dans les entreprises d'au moins trois cents salariés sont similaires à celles qui sont prévues par l'article L. 432-4-2 du code du travail pour les entreprises de moins de trois cents salariés ; que, par suite, le grief tiré d'une rupture d'égalité manque en fait ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 29 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'article 48 

10. Considérant que l'article 48 de la loi déférée insère dans le code du travail un article L. 320-2-1 ; que ce nouvel article permet aux employeurs ayant conclu un accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de proposer aux salariés des entreprises ou établissements occupant au moins mille personnes ou de dimension communautaire un « congé de mobilité » destiné à favoriser leur retour à un emploi stable ; que, dans le cadre de ce congé, le salarié bénéficie de mesures d'accompagnement ou d'actions de formation ; qu'il peut également réaliser des périodes de travail, au sein ou en dehors de l'entreprise qui lui a proposé le congé, sous la forme d'un contrat à durée indéterminée ou déterminée ; que, dans ce dernier cas, le congé de mobilité est suspendu et reprend à l'issue du contrat pour la durée restant à courir ;

11. Considérant que, selon les requérants, « cet article, présenté comme favorable aux salariés, constitue en réalité une atteinte caractérisée au droit à l'emploi, dans la mesure où il les prive de nombreuses garanties et de protections inhérentes à la situation de licenciement économique » ; qu'ils dénoncent, en particulier, le fait qu'il permette aux employeurs de se dispenser de leurs obligations en matière de congé de reclassement ; qu'ils ajoutent que « de telles atteintes au droit à l'emploi sont d'autant plus graves que le législateur est resté très imprécis sur de nombreux points » ;

12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du cinquième alinéa du Préambule de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi... » ; que l'article 34 de la Constitution dispose : « La loi détermine les principes fondamentaux... du droit du travail... » ; que, dès lors, il incombe au législateur de poser des règles propres à assurer le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre ;

13. Considérant que le congé de mobilité est destiné à favoriser l'anticipation par les employeurs et les salariés des difficultés économiques de l'entreprise afin d'éviter des licenciements ; qu'en effet, il a pour objet, selon les termes mêmes du deuxième alinéa du nouvel article L. 320-2-1 du code du travail, « de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail » ;

14. Considérant que le législateur a encadré les conditions de mise en oeuvre du congé de mobilité ; qu'en particulier, il a subordonné la faculté de le proposer à la conclusion d'un accord collectif ; que cet accord devra notamment fixer, outre la durée du congé, les engagements des parties, les modalités d'accompagnement des actions de formation envisagées, le niveau de la rémunération qui sera versée pendant la période excédant le préavis et les indemnités de rupture garanties au salarié, lesquelles ne pourront être inférieures aux indemnités légales et conventionnelles afférentes au licenciement pour motif économique ; qu'il a prévu que le congé de mobilité ne pourrait être que « proposé » aux salariés, leur acceptation étant nécessaire à sa mise en oeuvre ;

15. Considérant, enfin, que les dispositions critiquées n'instituent pas une nouvelle forme de rupture du contrat de travail, mais une rupture pour motif économique qui intervient d'un commun accord ; que, dès lors, conformément au deuxième alinéa de l'article L. 321-1, l'ensemble des garanties prévues pour les salariés licenciés pour motif économique par le livre III du code du travail trouve à s'appliquer ; qu'en particulier, le salarié peut bénéficier d'indemnités de rupture du contrat de travail et de l'assurance-chômage ;

16. Considérant, dans ces conditions, que le congé de mobilité, loin de méconnaître l'exigence résultant du cinquième alinéa du Préambule de 1946, en constitue une modalité de mise en oeuvre ;

17. Considérant, en second lieu, que, si sa conclusion dispense l'employeur de proposer au salarié concerné le bénéfice du congé de reclassement prévu à l'article L. 321-4-3, le congé de mobilité est destiné à éviter de prononcer un licenciement économique à un stade ultérieur ; qu'il est subordonné à l'existence d'un accord collectif ainsi qu'à l'acceptation par le salarié de la proposition qui lui est faite ; que, dès lors, ce dernier ne se trouve pas dans la même situation que celui qui bénéficie d'un congé de reclassement ; qu'il n'a donc pas été porté atteinte au principe d'égalité ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 48 de la loi déférée, dont les termes sont suffisamment précis, n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'article 51 

19. Considérant que l'article 51 de la loi déférée modifie les articles L. 514-1 et L. 51-10-2 du code du travail ; qu'il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des activités liées aux fonctions juridictionnelles des conseillers prud'hommes ainsi que les conditions d'indemnisation de ces activités ; qu'il prévoit également qu'un décret fixera les limites de distance applicables au remboursement des frais de déplacement des conseillers prud'hommes ;

20. Considérant, selon les requérants, que ces dispositions sont contraires à l'article 64 de la Constitution et rompent l'égalité entre juges professionnels et conseillers prud'hommes ; qu'en outre, elles n'apportent pas de garanties suffisantes quant à l'indépendance des juridictions ;

21. Considérant, en premier lieu, que les conseillers prud'hommes ne sont pas régis par le statut des magistrats pris en application de l'article 64 de la Constitution ; qu'exerçant leurs fonctions à temps partiel et pour une durée déterminée dans une juridiction spécialisée, ils ne sont pas dans la même situation que les magistrats régis par ce statut ; que doivent être dès lors écartés les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 64 de la Constitution et du principe d'égalité ;

22. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats... - La loi détermine les principes fondamentaux... du droit du travail... » ;

23. Considérant que ni la fixation de la liste des activités prud'homales donnant lieu à autorisation d'absences, ni les modalités d'indemnisation de ces activités ou de remboursement des frais de déplacement ne mettent en cause les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction ou le statut des magistrats ; qu'elles ne mettent pas davantage en cause les principes fondamentaux du droit du travail ;

24. Considérant, par ailleurs, que l'article 37 de la Constitution, selon lequel : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire », n'a pas pour effet de dispenser le pouvoir réglementaire du respect des exigences constitutionnelles ; qu'en l'espèce, il lui appartient, sous le contrôle du juge administratif, de fixer les modalités d'indemnisation des conseillers prud'hommes dans l'intérêt du bon emploi des deniers publics et d'une bonne administration de la justice, qui découlent des articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789, sans porter atteinte à l'impartialité et à l'indépendance de la juridiction garanties par son article 16 ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 51 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'article 54 

26. Considérant que le I de l'article 54 de la loi déférée modifie l'article L. 620-10 du code du travail afin d'exclure du calcul des effectifs d'une entreprise les salariés qui y travaillent en exécution d'un contrat de sous-traitance ou de prestation de service, sauf pour le calcul du seuil qui détermine la constitution d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que son II modifie les articles L. 423-7 et L. 433-4 du même code pour limiter aux seuls salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail le corps électoral appelé à désigner les délégués du personnel ainsi que les représentants des salariés à son comité d'entreprise ;

27. Considérant, selon les requérants, qu'en procédant à de telles exclusions au détriment de salariés « totalement intégrés à la communauté de travail de l'entreprise » bien qu'ils y exercent leurs fonctions dans le cadre d'un contrat de sous-traitance ou de prestation de service, l'article 54 porte atteinte au principe d'égalité et au huitième alinéa du Préambule de 1946 ; qu'en prenant toutefois ces salariés en compte pour le calcul des effectifs qui déterminent la mise en place du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le législateur se serait contredit, révélant par là même la méconnaissance de ces principes constitutionnels ;

28. Considérant, comme il a été dit ci-dessus, qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule de 1946, les conditions et garanties de sa mise en oeuvre ;

29. Considérant que le droit de participer « par l'intermédiaire de leurs délégués » à « la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés ;

30. Considérant que, s'il était loisible au législateur, notamment pour éviter ou restreindre les situations de double vote, de ne pas conférer à l'ensemble des travailleurs mis à disposition d'une entreprise la qualité d'électeur pour désigner les délégués du personnel et les représentants des salariés à son comité d'entreprise, il ne pouvait, sans méconnaître le huitième alinéa du Préambule de 1946, limiter le corps électoral aux seuls salariés qui lui sont liés par un contrat de travail ;

31. Considérant, par suite, qu'il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le II de l'article 54 de la loi déférée ; qu'il en va de même des dispositions de son I, qui en sont inséparables ;

Sur l'article 60 

32. Considérant qu'aux termes de l'article 60 de la loi déférée : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sont considérés comme valides les décomptes des heures supplémentaires et des durées des repos compensateurs calculés par les employeurs des personnels des entreprises de transport routier de marchandises en application des dispositions du décret n° 2005-306 du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, en tant qu'elles seraient contestées sur le fondement de l'illégalité des dispositions des articles 4 à 11 dudit décret. - Le calcul de la durée hebdomadaire du travail des personnels roulants marchandises sur une période supérieure à la semaine et pouvant être égale, au plus, à un mois est réputé valide jusqu'à la publication du décret relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail dans les entreprises de transport routier » ;

33. Considérant que les requérants font valoir que la portée de cette validation n'est pas strictement définie ; qu'ils en déduisent que l'article 60 méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs ;

34. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;

35. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

36. Considérant que, par la décision du 18 octobre 2006 susvisée, le Conseil d'Etat a, sans examiner les autres moyens présentés contre eux, annulé les articles 5, 6 et 8 du décret du 31 mars 2005 susmentionné au motif qu'ils auraient dû faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat ; qu'il a également annulé, comme indivisibles, les articles 4, 7, 9, 10 et 11 du même décret ; qu'en validant les décomptes des heures supplémentaires et les durées des repos compensateurs calculés par les employeurs des personnels des entreprises de transport routier de marchandises en tant qu'ils seraient contestés sur le fondement de l'illégalité des dispositions des articles 4 à 11 dudit décret, sans indiquer le motif précis d'illégalité dont il entendait purger l'acte contesté, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif, qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'il y a lieu, par suite, de déclarer l'article 60 de la loi déférée contraire à la Constitution ;

37. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,

Décide 
Article 1

Les articles 54 et 60 de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social sont déclarés contraires à la Constitution.

Article 2

Les articles 29, 48 et 51 de la même loi ne sont pas contraires à la Constitution.

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2006, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard et Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, M. Pierre Joxe, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.


Le président,
Pierre Mazeaud