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Conseil d'État - 278652
Conseil d’État
27 juin 2007


3ème/8ème SSR - Société Métropole Télévision (M6) - 278652


M. François Seners, commissaire du gouvernement



Visas

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mars 2005 et 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour la Société Métropole Télévision (M6), dont le siège est 89 avenue Charles de Gaulle à Neuilly-sur-Seine Cedex (92575) ; la Société Métropole Télévision (M6) demande au Conseil d’État :

  1. d’annuler la décision du 27 octobre 2004 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a autorisé les sociétés TF1 et AB à prendre le contrôle de la société Télé Monte-Carlo (TMC) ;
  2. de mettre à la charge de l’État la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ; le code de commerce ; le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 ; le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 430-3 du code de commerce, les sociétés TF1 et AB ont notifié le 30 juillet 2004 au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie le protocole d’accord qu’elles ont conclu le 6 juillet 2004 en vue de l’acquisition du contrôle conjoint de la société Télé-Monte-Carlo (TMC) ; que ce protocole prévoit le rachat par ces deux sociétés de 80 % du capital de TMC à raison de 40 % chacune, les actions ainsi acquises étant transférées à une société commune, la société Monte-Carlo Participations, créée à cet effet, dont TF1 et AB doivent détenir chacune 50 % du capital et des droits de vote ; que cette opération a été autorisée, sous condition du respect par les sociétés TF1 et AB de plusieurs engagements, par lettre en date du 27 octobre 2004 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, en application de l’article L. 430-5 du code de commerce ; que la société Métropole Télévision demande l’annulation de cette décision ;

Sur le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure

Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 430-3 du code du commerce : « La réception de la notification d’une opération, ou le renvoi total ou partiel d’une opération communautaire, fait l’objet d’un communiqué publié par le ministre chargé de l’économie selon des conditions fixées par décret ; que l’article 5 du décret du 30 avril 2002, pris pour l’application de ces dispositions et lui-même applicable avant l’intervention du décret n° 2007-431 du 25 mars 2007 relatif à la partie réglementaire du code de commerce, prévoit que : Le communiqué prévu au troisième alinéa de l’article L. 430-3 du code de commerce contient notamment les éléments suivants : / a) Les noms des entreprises concernées et des groupes auxquels elles appartiennent ; / b) La nature de l’opération ; / c) Les secteurs économiques concernés ; / d) Les éléments renvoyés, dans le cas d’un renvoi partiel d’une opération de dimension communautaire par la Commission européenne ; / e) Le délai dans lequel les tiers intéressés sont invités à faire connaître leurs observations. / Ce communiqué est rendu public dans les cinq jours suivant la date de réception du dossier de notification ou la date à laquelle le ministre est informé de la décision de renvoi de la Commission européenne » ;

Considérant que, si les dispositions précitées imposent au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de rendre publique l’opération de concentration envisagée, afin notamment de recueillir les observations éventuelles des tiers intéressés, aucun texte ni aucun principe n’exigent que la décision du ministre soit précédée d’une procédure contradictoire avec les tiers intéressés ; qu’en l’espèce, il est constant que le ministre a publié le communiqué prévu par l’article L. 430-3 du code de commerce précité ; qu’il a en outre, alors même qu’il n’y était pas tenu, communiqué, par courriel du 25 octobre 2004, les engagements pris par les sociétés TF1 et AB à la société requérante, qui a formulé des observations par courriel du 26 octobre 2004 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise à l’issue d’une procédure irrégulière ne peut qu’être écarté ;

Sur l’appréciation des effets concurrentiels directs de l’opération et des engagements pris par les sociétés TF1 et AB

Considérant que, pour accorder l’autorisation contestée, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a relevé que les marchés pertinents en l’espèce étaient le marché de la commercialisation et de l’exploitation des chaînes thématiques de télévision payante, le marché de l’acquisition des droits de diffusion et le marché de la publicité télévisée ; qu’il a estimé que, si elle ne modifiait pas significativement la concurrence sur le marché de la commercialisation et de l’exploitation des chaînes thématiques et sur le marché de l’acquisition des droits de diffusion, l’acquisition de TMC par les sociétés TF1 et AB était en revanche susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de la publicité télévisée, en renforçant la position dominante que la société TF1 y occupe ; qu’il a toutefois jugé que les engagements pris par les parties permettaient de remédier aux atteintes à la concurrence ainsi identifiées ; que la société requérante conteste l’analyse du ministre sur les effets concurrentiels directs de l’opération et son appréciation des engagements pris par les parties ;

En ce qui concerne l’absence de prise en compte d’un marché de la télévision gratuite

Considérant que la société requérante reproche à la décision attaquée de n’avoir pas retenu, parmi les marchés pertinents, un marché des chaînes hertziennes gratuites, tant analogiques que numériques ; que c’est toutefois sans erreur de droit ni erreur d’appréciation, eu égard à l’absence de relations commerciales entre les éditeurs de chaînes de télévision gratuites et les téléspectateurs, que le ministre n’a pas retenu, pour apprécier les effets de l’opération qui lui était soumise, l’existence d’un tel marché et estimé que les parts d’audience détenues par les différentes chaînes de télévision gratuites constituaient seulement un élément d’appréciation de la situation concurrentielle sur le marché de la publicité télévisée ;

En ce qui concerne le marché de la publicité télévisée

Considérant qu’après avoir constaté que la société TF1 occupait une position dominante sur le marché de la publicité télévisée avant l’opération de concentration envisagée, le ministre a estimé que celle-ci était de nature à accroître encore l’avantage concurrentiel de TF1, dans un contexte d’augmentation globale du marché liée à son ouverture au secteur de la grande distribution ; qu’il a relevé que cet effet concurrentiel serait d’autant plus fort que la société TMC allait devenir une chaîne gratuite diffusée sur l’ensemble du territoire national grâce à la mise en place de la télévision numérique terrestre et que son adossement à TF1 autoriserait des couplages tarifaires entre les différentes chaînes du groupe et permettrait à TF1 de bénéficier d’un effet de gamme ; que la société requérante ne soutient pas que le ministre aurait ainsi sous-estimé les effets de l’opération envisagée sur le marché de la publicité télévisée ; qu’en revanche celle-ci soutient que les engagements pris par les parties sont insuffisants pour pallier les atteintes à la concurrence ainsi analysées ;

Considérant qu’à la suite du supplément d’instruction ordonné par la troisième sous-section de la section du contentieux du Conseil d’État, chargée de l’instruction de l’affaire, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a produit le texte de la convention conclue le 6 juillet 2004 entre les sociétés TF1 et AB ainsi que les statuts de la société Monte-Carlo Participations ; que ces documents précisent notamment la durée des engagements pris par ces sociétés ; que le ministre a en outre communiqué le texte de l’avenant conclu le 12 janvier 2005 entre les parties afin de traduire dans la convention les engagements exigés par la décision du ministre du 27 octobre 2004 ; qu’ainsi la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le dossier serait incomplet et que l’affaire ne serait pas en état d’être jugée sur ce point ;

Considérant que les parties se sont engagées, d’une part, à ce que la régie publicitaire de la société TMC soit exploitée de façon autonome, directement au sein de la société TMC, par l’intermédiaire d’une filiale de TMC ou par l’intermédiaire d’une société tierce capitalistiquement indépendante de TF1 et, d’autre part, à supprimer les stipulations du pacte d’actionnaire qui les lie, en vertu desquelles la politique générale de tarification des écrans publicitaires et les conditions générales de vente de la publicité diffusée sur TMC devaient faire l’objet de décisions prises en commun ; qu’elles se sont engagées à ce que la commercialisation des espaces publicitaires de TMC soit totalement indépendante de la régie TF1 Publicité, de toute chaîne dont cette société assure la régie et de toute régie dont TF1 détiendrait le contrôle exclusif, et, enfin, à ce qu’aucune commercialisation d’espaces publicitaires ne soit effectuée pour TMC en couplage avec la chaîne TF1 ;

Considérant qu’en estimant que de tels engagements, repris dans l’avenant du 12 juillet 2005 à la convention du 6 juillet 2004, qui ont pour effet d’interdire tout lien organique ou commercial entre la régie publicitaire de TF1 et celle de TMC, étaient de nature, malgré l’existence de liens organiques entre les éditeurs de chaînes TF1 et TMC eux-mêmes, à remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération envisagée sur le marché de la publicité télévisée, le ministre n’a pas commis d’erreur d’appréciation ; qu’en admettant même que, comme le soutient la société requérante, la filiale de TMC créée pour assurer la régie publicitaire de la chaîne soit dirigée par d’anciens cadres de la société TF1, une telle circonstance n’est pas en elle-même de nature à priver de leur portée les engagements pris ; qu’il appartiendrait en tout état de cause aux autorités de concurrence de connaître d’éventuelles méconnaissances des règles fixées ;

En ce qui concerne le marché de la commercialisation et de l’exploitation des chaînes thématiques

Considérant que, pour apprécier l’effet concurrentiel de l’opération envisagée sur ce marché, où sont confrontées l’offre des éditeurs de chaînes thématiques et la demande des distributeurs, le ministre a relevé qu’il existait un chevauchement entre les activités de chaîne thématique généraliste de TMC et celles de TF1 et AB, qui éditent plusieurs chaînes thématiques ; qu’il a pu cependant, sans erreur d’appréciation, estimer que la structure de la concurrence sur ce marché ne serait pas modifiée de façon significative, en constatant que le nombre des chaînes en présence, mais aussi l’importance des principaux acteurs sur ce marché, y compris sur le seul segment des chaînes thématiques généralistes, continueraient à garantir une concurrence effective ;

En ce qui concerne le marché de l’acquisition des droits de diffusion

Considérant qu’après avoir observé que les statuts de la société commune créée par TF1 et AB précisaient que l’acquisition des droits de diffusion serait exclusivement réalisée par le groupe AB, ce que prévoit d’ailleurs la convention conclue par les deux sociétés le 6 juillet 2004 et que confirment les engagements pris par elles, le ministre a limité son analyse à l’examen des conséquences du rapprochement entre AB et TMC ; que, pour estimer que l’opération envisagée n’entraînait aucun risque d’atteinte à la concurrence sur ce marché, il a relevé que la société AB faisait face à une vive concurrence, que, sur le segment des programmes spécifiquement édités pour la télévision, TMC profiterait de l’important catalogue de programmes francophones déjà constitué par AB et, enfin, que la programmation de TMC était encadrée par un protocole conclu avec la Principauté de Monaco ;

Considérant qu’en écartant une méthode d’analyse fondée sur le coût de grille des chaînes et en lui préférant une analyse de la position des chaînes TMC et AB sur les différents segments du marché de l’acquisition des droits, le ministre n’a commis ni erreur de droit ni erreur d’appréciation au regard des exigences d’une analyse des effets concurrentiels de l’opération envisagée ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre aurait sous-estimé l’avantage concurrentiel que la société AB est susceptible de tirer, sur le marché en cause, du rapprochement avec la société TMC ; que, par ailleurs, la circonstance que la société AB intervienne, par l’intermédiaire d’une de ses filiales, dans le domaine de la production est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant que, si la société requérante fait état du risque que, par l’intermédiaire du groupe AB, la société TF1 ne cède à TMC un certain nombre de droits qu’elle détient et ne favorise ainsi une programmation complémentaire de la sienne, une telle pratique, à supposer qu’elle se développe, ne procèderait en tout état de cause pas directement de l’opération de concentration autorisée par la décision attaquée et ne relèverait le cas échéant que du contrôle des autorités de concurrence compétentes ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision attaquée, qui est suffisamment motivée, serait entachée d’erreur d’appréciation en ce qui concerne les effets concurrentiels directs de l’opération qu’elle autorise et la portée des engagements pris par les parties doivent être écartés ;

Sur les risques de coordination entre les sociétés TF1 et AB

Considérant que s’il appartenait au ministre d’examiner, dans le cadre de la procédure prévue par les articles L. 430-1 et suivants du code de commerce, si l’opération conjointe de rachat de la société TMC qui lui était soumise était de nature à faire naître un risque de coordination des comportements des sociétés mères sur les marchés concernés, il ressort des pièces du dossier qu’à la date à laquelle le ministre a pris la décision attaquée et compte tenu, d’une part de la concurrence très vive existant sur les marchés de l’exploitation et de la commercialisation des chaînes thématiques et de l’achat des droits de diffusion, d’autre part des engagements pris par les sociétés TF1 et AB en ce qui concerne la publicité télévisée, l’opération considérée n’était pas par elle-même de nature à créer ou renforcer une position dominante collective de ces sociétés ; que, si le comportement des deux sociétés fait ultérieurement apparaître de tels risques, il appartiendra aux autorités de concurrence de mettre en œuvre, le cas échéant, les procédures adéquates ;

Sur l’absence de saisine du conseil de la concurrence

Considérant qu’aux termes de l’article L. 430-5 du code de commerce : « I - Le ministre chargé de l’économie se prononce sur l’opération de concentration dans un délai de cinq semaines à compter de la date de réception de la notification complète. / ( ) III Le ministre chargé de l’économie peut : - soit constater, par décision motivée, que l’opération qui lui a été notifiée n’entre pas dans le champ défini par les articles L. 430-1 et L. 430-2 / - soit autoriser l’opération, en subordonnant éventuellement, par décision motivée, cette autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les parties. / Toutefois, s’il estime que l’opération est de nature à porter atteinte à la concurrence et que les engagements pris ne suffisent pas à y remédier, il saisit pour avis le Conseil de la concurrence. » ;

Considérant que, ainsi qu’il a été dit plus haut, le ministre n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que, compte tenu des engagements pris par les parties, l’opération litigieuse n’était pas de nature à porter atteinte à la concurrence ; que, dès lors, il n’était pas tenu de saisir le Conseil de la concurrence du projet qui lui était notifié par les sociétés TF1 et AB ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de la décision du 27 octobre 2004 doivent être rejetées ; qu’il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions de la société requérante tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu de mettre à la charge de la Société Métropole Télévision respectivement les sommes de 5 000 et de 2 500 euros au titre des frais exposés par les sociétés TFI et AB et non compris dans les dépens ; qu’ en revanche, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la Société Métropole Télévision la somme que l’État demande…(rejet de la requête ; condamnation de la Société Métropole Télévision (M6) à payer la somme de 5 000 € à la société TF1 et la somme de 2 500 euros à la société AB au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative)