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Conseil d'État - 276585
Conseil d’État
23 mars 2007


2ème/7ème sous-section réunies — 276585


M. Didier Casas, commissaire du gouvernement



Visas

  • Vu l'ordonnance en date du 12 janvier 2005 enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 17 janvier 2005 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de la Banque de France ;
  • Vu la requête, enregistrée au greffe de cette cour le 9 novembre 2004, présentée pour la Banque de France, dont le siège est 39, rue Croix des Petits Champs à Paris (75001) ; la Banque De France demande :
    1°) d'annuler le jugement du 27 juillet 2004 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de M. Paul A, annulé la décision du 30 mars 2004 par laquelle le directeur général des ressources humaines de la Banque de France a rejeté sa demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension ;
    2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
  • Vu les autres pièces du dossier ; le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ; le code des pensions civiles et militaires de retraite ; le code de la sécurité sociale ; le décret n° 68-300 du 29 mars 1968 ; le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant que, par une décision en date du 30 mars 2004, le directeur général des ressources humaines de la Banque de France a rejeté la demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate de pension de M. SOUBRANNE, dans les mêmes conditions que celles qui sont fixées pour les agents féminins en application du décret du 29 mars 1968 fixant le régime de retraite des agents titulaires de la Banque ; que, par un jugement en date du 27 juillet 2004 contre lequel se pourvoit la Banque de France, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette décision ;

Considérant que si la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public, elle n'a pas le caractère d'un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre des caractéristiques propres à la Banque de France figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ; que le code des pensions civiles et militaires de retraite, qui, en vertu des dispositions de son article L. 2, bénéficie seulement aux fonctionnaires civils de l'État, aux magistrats de l'ordre judiciaire, aux militaires ou à leurs ayants droits, n'est pas applicable aux agents de la Banque de France ; que le régime de retraite applicable à ces agents est fixé, en vertu des articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale, par le décret du 29 mars 1968 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France ; que, par suite, en appréciant la situation de M. A, agent titulaire de la Banque de France, au regard du régime français de retraite des fonctionnaires, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que la Banque de France est fondée, pour ce motif, à en demander l'annulation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'État, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, aux termes de l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail. Par rémunération, il faut entendre au sens du présent article le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, ou à ce que le bénéfice de l'entrée en jouissance immédiate de la pension , accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus de son bénéfice ;

Considérant que les personnes visées par le régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France, fixé au règlement annexé au décret du 29 mars 1968 fixant le régime des retraites des agents titulaires de la Banque de France, entrent dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, quelles que puissent être les modalités de versement de leurs pensions ; que le c) de l'article 7 de ce règlement réserve le bénéfice de l'entrée en jouissance immédiate de la pension aux agents féminins mères de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe d'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté économique européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne ;

Considérant que le protocole n° 2 sur l'article 119 joint au traité instituant la Communauté européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 stipule que des prestations en vertu d'un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national ; que ces limitations dans le temps de l'effet direct de l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne font obstacle à ce que soit satisfaite une demande se rapportant à un droit à pension ouvert pendant la période qui va du 1er janvier 1962, date de l'entrée en vigueur de cet article, au 17 mai 1990 et se rapportant à des périodes d'emploi antérieures à cette dernière date ;

Mais considérant que ces limitations dans le temps de l'effet direct de l'article 119 ne s'appliquent pas aux périodes d'emploi postérieures à la date du 17 mai 1990 ; qu'il en résulte que la demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate de la pension, formulée après cette date, doit se voir appliquer le principe d'égalité de rémunérations au sens des stipulations précitées de l'article 119 du traité de Rome ;

Considérant que M. A, agent titulaire de la Banque de France, qui a demandé le 23 février 2004 à être admis à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension, est fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 119 pour faire obstacle à l'application du c) de l'article 7 du décret du 29 mars 1968 fixant le régime des retraites des agents titulaires de la Banque de France ; qu'il est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée du 30 mars 2004, le directeur général des ressources humaines de la Banque de France lui a refusé, alors même qu'il établissait avoir quatre enfants vivants, le bénéfice de la jouissance immédiate de la pension prévue par l'article 7 du décret du 29 mars 1968 ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A est père de quatre enfants vivants ; que dans la mesure où sont maintenues, en ce qui concerne la jouissance immédiate de la pension, des dispositions plus favorables aux agents titulaires de la Banque de France de sexe féminin mères d'au moins trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre, M. A a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de cette jouissance immédiate, telle qu'elle est prévue au c) de l'article 7 du décret du 29 mars 1968 ; que, pour déterminer la date à laquelle doit être fixée en pareille hypothèse l'entrée en jouissance d'une pension et, en particulier, pour apprécier si cette date peut être antérieure à celle de la décision du juge, il appartient de tenir compte de la position de l'agent au cours de cette période et d'éviter tout cumul entre le traitement d'activité et la pension de retraite ;

Considérant qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire à la Banque de France de prendre les mesures impliquées par la présente décision en tenant compte de la position de M. A depuis le 30 mars 2004 dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A la somme que demande la Banque de France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 1 500 euros que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 27 juillet 2004 est annulé.

Article 2 : La décision en date du 30 mars 2004 du directeur général des ressources humaines de la Banque de France est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la Banque de France est rejeté.

Article 4 : La Banque de France versera la somme de 1 500 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Banque de France et à M. Paul A.