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Conseil d'État - 280936
Conseil d’État
18 octobre 2006


1ère/6ème SSR — Fédération générale des Transports et de l’Équipement — n° 280936


Conclusions de M. Devys, Commissaire du Gouvernement



Visas

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 23 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour la Fédération générale des Transports et de l’Équipement, dont le siège est 47/49, avenue Simon Bolivar à Paris cedex 19 (75950), la Fédération nationale des chauffeurs routiers FNCR, dont le siège est 3, rue Maurice Grandcoing à Ivry-sur-Seine (94200), la Fédération générale CFTC des Transports, dont le siège est 26, bis rue Ordener à Paris (75018) et la Fédération nationale des Transports Force Ouvrière - UNCP, dont le siège est 7, passage Tenaille à Paris (75014) ; la Fédération générale des Transports et de l’Équipement et autres demandent au Conseil d’État :

  1. d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005-306 du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises ;
  2. de mettre à la charge de l’État le versement à chacun des requérants d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ; la directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier ; le code du travail ; le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d’application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier ; le décret n° 2002-622 du 25 avril 2002 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises ; le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant que, d’une part, l’article L. 212-2 du code du travail prévoit que des décrets en conseil des ministres déterminent les modalités d’application de l’article L. 212-1 du même code, relatif à la durée hebdomadaire du travail, pour l’ensemble des branches d’activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière ; que ces décrets qui fixent notamment l’aménagement et la répartition des horaires de travail, les périodes de repos, les conditions de recours aux astreintes, ou les dérogations permanentes ou temporaires applicables dans certains cas et pour certains emplois, sont pris et révisés après consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressées ; que, d’autre part, l’article L. 212-18 du code du travail prévoit, pour les salariés des entreprises de transport routier, de navigation intérieure, de transport ferroviaire que des décrets, pris après consultation des organisations syndicales d’employeurs et des salariés intéressées, déterminent les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1, L. 212-7 et L. 212-7-1 du code du travail relatives respectivement à la période de référence servant au décompte des heures supplémentaires, au droit à un repos compensateur, à la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail et à la possibilité d’organiser la durée du travail sous forme de cycles de travail ; que le décret attaqué en date du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises est pris pour l’application des dispositions précitées ;

En ce qui concerne les articles 4 à 11 du décret attaqué

Considérant que, lorsqu’un décret en Conseil d’État ne précise pas que certaines de ses dispositions pourront être modifiées par décret simple, il ne peut être modifié que par décret en Conseil d’État ; que les dispositions des articles 5, 6 et 8 du décret du 31 mars 2005 modifient les 3°, 4° et 7° de l’article 5 du décret du 26 janvier 1983 dans leur rédaction issue du décret du 25 avril 2002 ; que ce dernier décret comporte la mention « le Conseil d’État entendu » et ne précise pas que certaines de ses dispositions pourront être modifiées par décret simple ; que, par suite, les dispositions des articles 5, 6 et 8 du décret attaqué, qui est un décret simple, sont entachées d’illégalité ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés contre les articles 5, 6 et 8 précités, ces articles doivent être annulés ; que les articles 4, 7, 9, 10 et 11 du décret attaqué, qui sont indivisibles des articles 5, 6 et 8, doivent également être annulés ;

En ce qui concerne les autres dispositions du décret attaqué

Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l’intervention du décret litigieux, des documents d’information, puis un projet de décret ont été envoyés aux organisations syndicales représentatives des salariés au cours de l’année 2004 ; que ces envois ont été suivis d’une réunion de concertation qui s’est tenue le 15 décembre 2004 ; qu’un avis de consultation a été publié au Journal officiel de la République française afin d’indiquer aux organisations intéressées qu’elles étaient invitées à faire connaître leur avis sur le projet de décret ; que le délai de quinze jours qui leur était laissé pour l’examiner était suffisant ; qu’un projet de décret modifié a été envoyé à ces mêmes organisations le 1er mars 2005 en vue de recueillir leur avis ; qu’ainsi, le décret litigieux a été édicté après consultation écrite et orale des organisations d’employeurs et de salariés ainsi que le prévoit l’article L. 212-2 du code du travail ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu’être écarté ;

Considérant, en second lieu, que l’article L. 136-2 du code du travail dispose que : « la commission nationale de la négociation collective est chargée : ( ) 2º D’émettre un avis sur les projets de lois et décrets relatifs à la négociation collective » ; qu’aucune des dispositions du décret attaqué, autres que celles dont l’annulation vient d’être prononcée, ne peut être regardée comme modifiant les règles relatives à la négociation collective au sens de l’article L. 136-2 précité ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de ces articles auraient dû être soumises à la commission nationale de la négociation collective doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la Fédération générale des Transports et de l’Équipement, la Fédération nationale des chauffeurs routiers FNCR, la Fédération générale CFTC des Transports et la Fédération nationale des Transports Force Ouvrière - UNCP sont seulement fondées à demander l’annulation des articles 4 à 11 du décret du 31 mars 2005 ;

Sur les conclusions du ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer tendant à ce que le Conseil d’État diffère les effets des annulations prononcées par la présente décision

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de donner un effet différé aux annulations prononcées par la présente décision ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction

Considérant que la présente décision n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, dès lors, les conclusions aux fins d’injonction des syndicats requérants ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’État le versement à la Fédération générale des Transports et de l’Équipement, la Fédération nationale des chauffeurs routiers FNCR, la Fédération générale CFTC des Transports et la Fédération nationale des Transports Force Ouvrière - UNCP d’une somme de 500 euros à chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;


D E C I D E

Article 1er : Les articles 4 à 11 du décret du 31 mars 2005 sont annulés.

Article 2 : L’État versera à la Fédération générale des Transports et de l’Équipement, à la Fédération nationale des chauffeurs routiers FNCR, à la Fédération générale CFTC des Transports et à la Fédération nationale des Transports Force Ouvrière - UNCP une somme de 500 euros à chacune en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer tendant à ce que le Conseil d’État limite dans le temps les effets de l’annulation sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération générale des Transports et de l’Équipement, à la Fédération nationale des chauffeurs routiers FNCR, à la Fédération générale CFTC des Transports, à la Fédération nationale des Transports Force Ouvrière - UNCP, au Premier ministre, au ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer et au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.