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Conseil d'État - 289613

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Conseil d'État - 289613
Conseil d’État
28 mars 2007


9ème/10ème SSR — 289613 — Société Hallumeca


Conclusions M. Stéphane Verclytte, commissaire du gouvernement



Visas

Vu, 1°) sous le n° 289613, la requête, enregistrée le 30 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour la Société Hallumeca, dont le siège est 37, rue des Ecoles à Baisieux (59780) ; la Société Hallumeca demande au Conseil d’État :

  1. d’annuler l’arrêt du 22 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’article 2 du jugement du 13 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer la somme de 6 346 815,98 F (967 565,71 euros) mentionnée sur le commandement de payer qui lui a été notifié le 21 juin 2000 et correspondant à des impositions réclamées par l’État belge au titre des années 1980 et 1981 ;
  2. statuant au fond, de lui accorder la décharge de l’obligation de payer la somme susmentionnée de 6 346 815,98 F ;
  3. de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 289614, la requête, enregistrée le 30 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour la Société Hallumeca, dont le siège est 37, rue des Ecoles à Baisieux (59780) ; la Société Hallumeca demande au Conseil d’État :

  1. d’ordonner le sursis à exécution de l’arrêt du 22 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’article 2 du jugement du 13 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer la somme de 6 346 815,98 F (967 565,71 euros) mentionnée sur le commandement de payer qui lui a été notifié le 21 juin 2000 et correspondant à des impositions réclamées par l’État belge au titre des années 1980 et 1981 ;
  2. d’ordonner le sursis à exécution du commandement de payer la somme de 6 346 815,98 F qui lui a été notifié le 21 juin 2000 ;
  3. de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ; la convention, signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus ; le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant que les deux requêtes de la Société Hallumeca présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le receveur des contributions de Namur Etranger (Belgique) a transmis, en application de la convention fiscale, signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, une demande d’assistance au trésorier de Chéreng (Nord) en vue du recouvrement de l’impôt des non-résidents (sociétés) réclamé par l’État belge, au titre des années 1980 et 1981, à la Société Hallumeca, immatriculée et ayant son siège social en France ; que ce trésorier a effectué une saisie-exécution le 4 janvier 1989 au siège de cette société et lui a adressé un commandement de payer le 12 juin 1995 ; que le 28 février 1996, il a procédé à une seconde saisie-exécution au siège de la Société Hallumeca ; que le 21 juin 2000, il a notifié à la même société un commandement de payer la somme de 6 346 815,98 F ; que la Société Hallumeca se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 22 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’article 2 du jugement du 13 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer la somme de 6 346 815,98 F mentionnée sur le commandement de payer notifié le 21 juin 2000 et correspondant aux impositions susmentionnées réclamées par l’État belge ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes du 1. de l’article 21 de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 : Les États contractants s’engagent, sur la base de la réciprocité, à se prêter concours et assistance aux fins de recouvrer, suivant les règles de leur propre législation, les impôts définitivement dus faisant l’objet de la présente convention ainsi que les suppléments, majorations, intérêts et frais relatifs à ces impôts ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales : Les comptables du Trésor qui n’ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable./ Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l’action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société Hallumeca soutenait, devant la cour, que la créance mentionnée sur le commandement de payer notifié le 21 juin 2000 était prescrite au regard du droit français en application des dispositions précitées de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales ; que la cour a omis de répondre à ce moyen qui n’était pas inopérant ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la Société Hallumeca est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête d’appel

Considérant qu’aux termes de l’article R.* 281-1 du livre des procédures fiscales : Les contestations relatives au recouvrement ( ) peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. / Elles font l’objet d’une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. (…) ; qu’aux termes de l’article R.* 281-2 du même livre : La demande prévue par l’article R.* 281-1 doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l’acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s’il s’agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d’invoquer ce motif ; que l’article R.* 281-5 dispose : Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l’ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu’ils ont déjà produites à l’appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires ;

Considérant que ni les dispositions de l’article R.* 281-2 du livre des procédures fiscales, ni celles de l’article R.* 281-5 du même livre, ne font obstacle à ce que le contribuable soulève devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d’appel, jusqu’à la clôture de l’instruction, des moyens de droit nouveaux, n’impliquant pas l’appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu’il lui eût appartenu de produire ou d’exposer dans sa demande au trésorier-payeur général, tels que la prescription de l’action en recouvrement édictée par le premier alinéa de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, pourvu que la demande prévue par l’article R.* 281-2 ait été présentée au trésorier-payeur général dans le délai de deux mois après le premier acte de poursuites permettant d’invoquer cette prescription ;

Considérant que, d’une part, le commandement de payer notifié à la Société Hallumeca le 21 juin 2000 était le premier acte de poursuites qui permettait à cette société d’invoquer l’expiration du délai de prescription quadriennale qui, conformément à l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, avait couru à compter de l’acte de saisie-exécution en date du 28 février 1996 ; que, d’autre part, la Société Hallumeca a saisi le trésorier-payeur général du Nord, dans le délai de deux mois mentionné à l’article R.* 281-2 du livre des procédures fiscales, d’une contestation dirigée contre le commandement de payer qui lui a été notifié le 21 juin 2000 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la prescription mentionnée à l’article L. 274 du livre des procédures fiscales était acquise à la date où le commandement de payer litigieux a été notifié à la Société Hallumeca était recevable devant la cour administrative d’appel de Douai, alors même qu’il n’avait été invoqué ni dans la contestation présentée par cette société devant le trésorier-payeur général du Nord ni dans sa demande devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’après la saisie-exécution à laquelle le trésorier de Chéreng a procédé le 28 février 1996, la prescription quadriennale mentionnée à l’article L. 274 du livre des procédures fiscales n’a été interrompue, ni par un acte émanant de l’administration française, ni par un acte comportant reconnaissance par la Société Hallumeca de sa dette fiscale ; que dans ces conditions, cette prescription était acquise à la Société Hallumeca lorsque, le 21 juin 2000, un commandement de payer la somme de 6 346 815,98 F lui a été notifié ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la Société Hallumeca est fondée à demander l’annulation de l’article 2 du jugement du 13 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer la somme de 6 346 815,98 F mentionnée sur le commandement de payer notifié le 21 juin 2000 ; que les conclusions de la Société Hallumeca tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce commandement de payer sont, par suite, devenues sans objet ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de l’arrêt attaqué

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions de la Société Hallumeca tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 22 novembre 2005 sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la Société Hallumeca et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 22 novembre 2005 et l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 13 mars 2003 sont annulés.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la Société Hallumeca tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution, d’une part, de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 22 novembre 2005, et d’autre part, du commandement de payer notifié à cette société le 21 juin 2000.

Article 3 : La Société Hallumeca est déchargée de l’obligation de payer la somme de 6 346 815,98 F (967 565,71 euros) mentionnée sur le commandement de payer qui lui a été notifié le 21 juin 2000.

Article 4 : L’État versera à la Société Hallumeca une somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société Hallumeca et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.