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Le Recours en excès de pouvoir

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Le Recours en excès de pouvoir
Le Recours en excès de pouvoir


Anonyme
Mini-FAQ


Version 1.7


Cette MiniFaq concerne le mode de saisine des juridictions administratives.


Définition

C'est un recours qui ne doit tendre qu'à la l'annulation de la décision attaquée.

C'est un procès fait à un acte. Le requérant joue le rôle de ministère public poursuivant la répression d'une infraction. Il agit pour le compte de la légalité en vue de son rétablissement.

Bien que le requérant doit justifier d'un intérêt pour agir pour attaquer l'acte, il n'y a pas proprement parlé de partie dans «le litige soulevé par le recours en excès de pouvoir » (CE Assemblée 21 avril 1944, soc Dockès frères, p. 120, S 1945.3.9 ; CE 19 avril 1950, DeVillèle, p. 214). En conséquence, il ne peut avoir de conclusions reconventionnelles par la partie défendante.

C'est un recours d'utilité publique car son objet est la sauvegarde de la légalité. C'est enfin un recours d'ordre public. Il ne faut pas confondre excès de pouvoir (violation de la légalité) comme l'abus de pouvoir qui peut être constitutif d'une voie de fait qui relève, dans ce cas, de la compétence du juge judiciaire.

Le recours en excès de pouvoir s'exerce selon trois façons :

  1. le recours pour excès de pouvoir proprement dit. Il tend à l'annulation de la décision soumise à la censure du juge
  2. le recours en appréciation de la légalité qui ne peut être introduit qu'à la suite d'une décision d'une juridiction judiciaire renvoyant à la juridiction administrative l'examen de la question préjudicielle de légalité d'une décision administrative à laquelle est subordonnée la solution d'un litige pendant cette juridiction. Irrecevabilité en l'espèce d'une requête en l'absence d'un tel renvoi (Voir par exemple CE 19 février 1971, Mouterde, rec. p. 149 ; CE 14 mars 2001, 2e SS, req. nos 196703 et 197761, Chaumet)
  3. le recours en inexistence d'une décision. Il s'agit de faire déclarer par le juge administratif le caractère nul et non avenu de la décision (Par exemple : nomination pour ordre d'un fonctionnaire, décision non revêtue de signature...). Ce recours est intéressant car il n'est soumis à aucune condition de délai. De plus, une telle décision n'est pas créatrice de droits au profit des intéressés.

Quels sont les tribunaux compétents

Les juridictions administratives. D'une part les tribunaux administratifs principalement et, d'autre part, le Conseil d'État pour les actes les plus importants (recours contre les décrets, arrêtés ministériels, actes dont l'application dépasse le ressort d'un seul tribunal administratif...), ou qui nécessite une harmonisation de la jurisprudence, comme les recours contre les décisions dont le champ d'application s'étend au-delà d'un seul TA : éviter des solutions différentes voire opposée d'un TA ou CAA à l'autre. La compétence directe du Conseil concerne aussi certains recours particuliers, notamment les litiges relatifs aux fonctionnaires nommés par le Président de la République ou en Conseil des ministres.

Faut-il un avocat ?

Le requérant est dispensé d'avocat en première instance et parfois en appel. Mais l'intervention d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation est obligatoire, à peine d'irrecevabilité, devant le Conseil d'Etat statuant comme juge de cassation. Devant le Conseil d'Etat, statuant en dernier ressort, (appel ou saisine directe), le requérant est dispensé d'avocat aux Conseils. Mais rien l'en empêche de faire appel à ses services. Cela est même conseillé pour tout requérant inexpérimentés pour éviter des irrecevabilités qui pourront s'avérer dramatiques. Dans ce cas de figure, on peut faire appel à un avocat autre qu'un avocat aux Conseils. Ces derniers sont cependant obligatoires pour introduire un pourvoi en cassation sauf dispositions contraires.

Comment s'exerce le recours ?

Le recours ne peut s'exercer qu'à l'encontre une décision d'une autorité administrative. En l'absence d'une telle décision, Une demande préalable est obligatoire pour en provoquer une de la part de l'administration. On appelle cela "lier le contentieux". On peut faire aussi un recours gracieux ou hiérarchique contre une décision existante. Certains textes prévoient un recours administratif obligatoire avant toute procédure contentieuse. Ce sont principalement les refus de communication des documents administratifs, et, à compter du 1er janvier 2001, les décisions concernant la situation individuelles des fonctionnaires à l'exception de celles qui concernent leur recrutementou l'exercice du pouvoir disciplinaire (Art. 23, loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 auquel renvoie à un décret en Conseil d'Etat, toujours non paru à ce jour rendant la loi inapplicable) . Dans ce cas, la décision qui sera rendue, se substituera à la première et en couvrira ses vices propres (CE 9 avril 1999; Assemblée. ; 180277 ; Recueil Lebon page 115 ; Mme Chevrol-Benkeddach. ; Concl. M. Rémy Schwartz, c. du g.). Cela n'est pas le cas pour les recours facultatifs. L'omission du recours administratif obligatoire rend irrecevable toute saisine directe du tribunal administratif : cette irrecevabilité est d'ordre publique. Le juge est tenu de la relever d'office pour rejeter la requête.

Les délais

Le délai commun est de deux mois à compter de la notification ou de la publication de la décision. On peut exercer un recours gracieux ou hiérarchique pendant ce délai ; dans ce cas ce délai repart à zéro.

D'autre recours instituent des délais spéciaux comme en matière d'accès aux documents administratifs.

Silence gardé par l'administration pendant plus de 2 mois fait naître une décision implicite de rejet. On dispose alors d'un nouveau délai de deux mois pour saisir le tribunal. Un nouveau recours gracieux ou hiérarchique ne peut plus interrompre le délai. Si une décision expresse est notifiée pendant ce délai de deux mois, celui-ci repart à zéro (CE 1er mars 1996, Section, Habib, rec. 65, concl. M. Jean-Claude Bonichot). Si cette notification intervient plus de deux mois après celle de la décision implicite de rejet, il y a forclusion et la décision n'est que confirmative. Aucun recours contentieux n'est donc recevable quand même il serait fondé en droit. Ceci appelle deux remarques : en cas de changement de circonstances en fait et en droit, l'intéressé pour refaire une nouvelle demande. Il en va de même si une décision, notifiée en dehors du délai du recours contentieux est différente de la précédente.

Les délais ne courent que s'ils ont été mentionnés dans la notification de la décision ainsi que les voies de recours. Cela n'est donc pas applicable pour les décisions implicites de rejet (CE 15 janvier 1999, O'Neilly, Rec. 2). En cas de recours administratif obligatoire, la décision doit indiquer cette voie de recours ainsi que de son caractère obligatoire, faute de quoi, le délai n'est toujours pas déclenché.

Le non-respect de cette formalité, empêche le déclenchement du délai du recours contentieux et l'intéressé peut introduire plusieurs recours successifs. Par contre, dès lors qu'une seule décision mentionne les délai et voie de recours, ce délai est déclenché quand même les autres décisions ne les mentionnent pas (voir à ce sujet CE 13 mars 1998, section, Mme Mauline, Rec. 80, et CE 13 mars 1998, section, Assistance publique Hôpitaux de Paris, Rec. 81).

La requête

Formalités

La requête et les pièces doivent être établies en nombre égal des autres parties plus deux : minimum trois exemplaires. Les pièces doivent être numérotées et décrites sur un bordereau. Elle doit être signée.

Elle peut être envoyée par voie télégraphique, par télex, par télécopie. Le requérant devra la régulariser en envoyant un exemplaire signé et le timbre fiscal si cela n'a pas été fait. Il peut en outre venir au greffe pour en signer un exemplaire.

Contenu de la requête

Elle doit contenir l'exposé des faits, les moyens, les conclusions et les noms et demeures des parties. On s'efforcera d'être synthétique et éviter d'inutiles répétitions ou de redites. La requête doit être claire et bien structurée. Les titres de paragraphes peuvent être très utiles quand des renvois sont nécessaires (voir § xxxx). Quand le sujet est très bien connu par le juge, on évitera de trop s'y attarder. Le magistrat est un professionnel du droit qui connaît le sujet mieux que vous. En revanche, pour des points peu courants ou inédits, vous devez dépenser plus d'énergie pour étayer votre argumentation au vu des pièces éventuellement produites pour emporter sa conviction.

Les faits

Il s'agit d'exposer tout simplement la situation de la personne, et la chronologie précise des faits. "Monsieur X est fonctionnaire de l'Etat comme contrôleur au ministère de l'Equipement, en position de détachement de longue durée comme comptable à la direction départementale de l'agriculture du Lot à Cahors". En une seule phrase, le juge connaît la situation statutaire de l'agent. Il faudra bien structurer les faits et ne pas commencer la discussion en même temps. C'est à la partie suivante qu'on pourra argumenter. On évitera donc de mettre la charrue avant les boeufs.

Les moyens

Il s'agit de l'argumentation en fait et en droit justifiant l'annulation de l'acte contesté. Pour les faits, il s'agira pour le requérant d'établir que la décision a été prise en vertu de faits inexacts, dénaturés voire inexistant.

Pour les moyens, le requérant s'en tiendra en priorité à la loi, puis la jurisprudence et, enfin, la doctrine. Pour le requérant, il devra rappeler la règle de droit existante et faire la relation entre les faits et les pièces du dossier pour établir l'illégalité de la décision attaquée. De préférence, il est fortement recommandé de citer la référence exacte de la loi et d'en faire la citation. "L'article de la loi n° xx-xxxx du jjmmaaaa dispose que (...), il résulte de ces dispositions que (...). Or la simple lecture de la décision attaquée démontre qu'elle s'écarte des dispositions susmentionnée et qu'elle doit donc être annulée pour excès de pouvoir."

Il faut aussi garder le fil de la discussion pour conclure enfin à l'annulation de la décision.

Les moyens se séparent en deux grandes catégories qu'on appelle causes juridiques.

Les moyens de légalité interne

Il s'agit des moyens tirés du contenu de l'acte qui méconnaît une norme supérieur. L'erreur de fait, l'erreur de droit (une mauvaise interprétation de la loi), l'erreur manifeste d'appréciation, le détournement de pouvoir, inadéquation de la décision par rapport aux faits (contrôle normal). Un acte pris en application d'un acte illégal où le requérant en soulèvera l'illégalité de ce dernier.

Les moyens de légalité externe

Il s'agit des moyens tiré de l'irrégularité dans l'édiction de l'acte. Incompétence de l'auteur. Vice de procédure. Vice de forme. Absence de motivation.

Les moyens d'ordre public

Ces moyens de légalité interne ou externe sont déterminés jurisprudentiellement en fonction de l'importance attachée à la censure de certains comportements. Faute d'avoir été soulevés par les parties, le juge est tenu de les relever. Pour les parties ils peuvent être soulevés à n'importe quel moment de la procédure (1ère instance, appel, cassation) même après l'expiration du délai du recours contentieux. Si le requérant n'a soulevé que des moyens de légalité interne, il pourra soulever un moyen de légalité externe s'il est d'ordre public (incompétence de l'auteur de la décision).

On peut citer par exemple :

  • l'incompétence de l'auteur de la décision. Personne non habilitée à signer l'acte. Exemple, décret qui aurait dû être pris après avis du Conseil d'État et qui l'a été sans qu'un tel avis ait été recueilli.
  • La méconnaissance du champs d'application de la loi. Application de dispositions non entrées en vigueur qui ont cessé de l'être (application dans le temps). Application d'une décision à des personnes non concernées par elle (application dans l'espace).
  • rétroactivité d'un réglement
  • inexistence juridique d'un acte (nomination d'un fonctionnaire pour ordre).
  • ontrariété d'une décision à l'autorité absolue de la chose jugée, c'est-à-dire prononcée sur recours en excès de pouvoir.

Les moyens d'ordre publics sont nombreux et la liste est, au demeurant, fort longue.

Les conclusions

Le plus grand soin doit être apporté dans la rédaction des conclusions. C'est en fonction de celles-ci que le juge statuera. En excès de pouvoir, on ne peut que demander l'annulation de l'acte. D'autres conclusions peuvent s'y ajouter comme par exemple :

  • Conclusions à fins d'injonction si l'annulation d'un acte implique nécessairement que l'administration doit prendre une décision dans un sens déterminé ou procéder à une nouvelle instruction du dossier. Elles peuvent être assorties d'une astreinte financière.
  • Conclusions tendant à condamner l'auteur de la décision au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens. Ces *onclusions doivent être CHIFFREES. (pas besoin d'avocat pour en demander le bénéfice)

Noms et demeures des parties

Généralement on met : Requérant : M. X, demeurant à ......

CONTRE

L'arrête municipal du ........ relatif à......

Effet de l'expiration du délai du recours contentieux sur l'instance

AUCUNE CONCLUSION NOUVELLE NI MOYEN NOUVEAU NE SONT RECEVABLES APRES L'EXPIRATION DES DELAIS DU RECOURS CONTENTIEUX. Pour ce qui est des conclusions, on ne peut plus en formuler de nouvelles. On peut toujours se désiter de tout ou partie de ses conclusions.

On peut aussi revoir à la hausse le montant des frais exposés (frais irrépétibles) qui peuvent être demandés la première fois avant la clôture de l'instruction.

Pour les moyens nouveaux, il faut entendre ceux qui reposent sur une cause juridique distincte de ceux qui ont été soulevés pendant le délai du recours contentieux. Deux causes juridiques distinctes existent : les moyens de légalité interne et ceux de légalité externe (voir § 6.2.2.).

Si le requérant n'a soulevé que des moyens de légalité interne pendant le délai, il ne pourra plus soulever des moyens de légalité externe mais pourra exciper d'autres moyens de légalité interne.

Ainsi un requérant qui a fondé son recours tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pendant le délai du recours contentieux, ne pourra pas soulever un moyen tiré de l'absence de motivation de la décision attaquée. Il pourra cependant soulever un moyen tiré de l'erreur de droit. Par contre, le requérant sera toujours recevable de soulever le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur : bien qu'il soit de légalité externe ce moyen est d'ordre public .

De même, un requérant qui ne s'était prévalu que de l'incompétence de l'auteur de la décision pendant le délai du recours contentieux, ne pourra pas soulever celui tiré de l'erreur de fait. Mais pourra soulever celui tiré d'absence de motivation de la décision ou d'un vice de procédure. Il pourra aussi soulever un moyen tiré de l'annulation d'une décision ou sa déclaration d'illégalité par une décision d'une juridiction administrative définitive (non frappée d'appel ni de pourvoir en cassation) ou souveraine (le Conseil d'Etat, Tribunal des Conflits). Il s'agit d'un moyen de légalité interne d'ordre public (Voir TA Dijon 12 décembre 2000, Clément, req. n° 001155).


Procédure

La requête enregistrée, le greffe l'inscrit sur son registre et lui attribue un numéro. Le président du Tribunal nomme un rapporteur qui va instruire le dossier. On envoie un exemplaire aux autorités concernées par la décision. Certaines seront comme partie adverse, d'autres à titre d'intervenant. Par exemple : le recours contre le décret du 2 avril 1996 sur la notation à La Poste et à France Télécom : le Premier ministre (l'Etat) est la partie adverse, mais La Poste, appelée par le Conseil d'État à produire des observations, bien qu'ayant intérêt au maintien du décret , n'est pas une partie au sens des textes mais un intervenant. A ce titre, La Poste ne peut donc demander le paiement des frais irrépétibles en tant qu'intervenant (Voir CE 4 octobre 2000, M. Dussourd et syndicat CNT-PTT, req. 211989 et 212126)

La partie adverse va produire des observations en défense qui vont tendre au rejet de la requête comme irrecevable et non fondée. Généralement, l'administration oppose régulièrement des fins de non-recevoir. Au hit-parade des irrecevabilités on relèvera :

  • la forclusion du recours

l*e défaut d'intérêt pour agir

  • décision non susceptible de recours en excès de pouvoir.
  • moyens nouveaux irrecevables
  • défaut de qualité à agir.

Le tribunal va donc transmettre le mémoire au requérant qui peut y produire un mémoire en réplique. L'administration peut répondre puis le requérant répliquer par un mémoire en duplique, puis en triplique... Généralement, tous est presque dit après le mémoire en réplique. Certaines personnes publiques veulent à tout prix avoir le dernier mot, provoquant une cascade de mémoires... et la clôture de l'instruction par ordonnance du président de la juridiction.

Le requérant peut aussi envoyer d'autres mémoires qui seront appelés mémoires complémentaires où il souhaitera apporter certaines précisions ou soulever d'autres moyens.

L'instruction peut être close soit par ordonnance du président, soit trois jours francs avant l'audience. Les parties sont convoquées à une audience et ne sont pas tenues d'y assister car la procédure est essentielllement écrite. Plus aucun mémoire n'est recevable après la clôture de l'instruction.

Le jour de l'audience, le greffier appelle l'affaire, et le rapporteur énonce l'état de la procédure. les parties peuvent y apporter des observations orales (le requérant puis la partie adverse) pour commenter ses écritures. Puis le moment fort du procès : les conclusions du commissaire du Gouvernement. C'est un magistrat de la formation de jugement qui présente l'état du dossier et expose en toute liberté de conscience la solution qu'il convient d'adopter. Sa position étant publique il ne peut donc pas opiner pendant le délibéré en application du principe général du droit tiré du secret des délibérations (CE 29 juillet 1998, Esclatine, rec. 320). Une fois les conclusions prononcées, l'affaire est mise en délibéré et plus personne ne peut prendre la parole. Le Tribunal peut très bien ne pas suivre son commissaire. La décision arrêtée, le jugement est rendu public puis notifié aux parties.


Peut-on obtenir une copie d'un jugement dont on n'était pas partie à l'instance

OUI.

Peut-on obtenir une copie des conclusions du commissaire du gouvernement.

Oui. Mais le commissaire dispose d'un pouvoir totalement discrétionnaire et peut parfaitement en refuser la communication sans en donner le motif. Il est propriétaire de ses conclusions qui peuvent très bien ne pas être écrites. Rappelez-vous qu'elles sont prononcées oralement. De même, on ne peut publier ses conclusions sans son consentement. Son refus n'est susceptible d'aucun recours. Ce n'est pas un acte administratif au sens de la loi du 17 juillet 1978.